Quittez pour un temps l’agitation et le brouhaha de la jungle urbaine de la capitale du Vietnam Hanoi pour gagner une jungle plus végétale, plus luxuriante et ô combien plus reposante aux airs de delta du Mékong : l’île aux bananes ou bãi giữa en vietnamien.
Un nom qui fleure bon les tropiques pour cette île singulière située sur le mythique fleuve Rouge et enjambée par le pont Long Bien, anciennement nommé pont Paul Doumer, la dentelle d’acier centenaire de Hanoi. A pied ou à vélo, partons à la découverte de cette île et de tous ces petits trésors cachés, avec ces photos de Valentin.
L’île aux bananes résulte d’un long processus d’accumulation d’alluvions fluviatiles généré par le fleuve Rouge, principale artère fluviale du nord du Vietnam. L’île ainsi formée possède une terre naturellement riche propice à l’agriculture. Des Hanoïens y ont vu une belle opportunité pour y faire pousser des légumes (la salade, le chou, les haricots ou des oignons), des fruits (la banane en grande quantité d’où son nom mais aussi de la papaye ou des goyaves notamment) et quelques fleurs dont des chrysanthèmes. A la pointe sud de l’île une forêt a été récemment aménagée avec la plantation d’espèces de plantes indigènes typiques du nord du Vietnam.
Originellement l’île aux bananes a été « anthropisée » par des personnes venant principalement de provinces pauvres et n’ayant pas la possibilité de trouver un logement dans la capitale. Classée zone inondable, les autorités ne permettaient pas la construction en dur sur l’île. Mais tolérantes, les autorités ont laissé des familles construire des abris de fortune et d’autres à vivre dans des sampans. Ces familles ont alors trouvé leur moyen de subsistance en cultivant la terre malgré les nombreuses crues du fleuve Rouge qui en ces moments les coupent littéralement de Hanoï.
Balade dans ce jardin méconnu
Découvrir ce jardin parfumé est une expérience singulière qui tranche avec l’effervescence de la capitale vietnamienne. L’île aux bananes a de véritables airs d’un petit delta du Mékong tonkinois avec ses bananeraies, ses vergers et ses vastes zones maraîchères. Se balader à vélo dans ce dédale végétal est un véritable plaisir surtout lorsque l’on a la chance d’être accompagné d’un guide qui nous permet la rencontre avec les locaux qui dans ce lieu particulier y ont trouvé leur petit Eden.
Monsieur Nguyên Hoang Long âgé de 64 ans y a vécu depuis sa plus tendre enfance et ne se verrait pas vivre dans une maison à Hanoi. Fier de parler le français et de connaître Voltaire, il nous lance tout sourire « comme Candide j’ai trouvé mon jardin à cultiver et pour rien au monde je ne le quitterai ! ». Puis en pointant du doigt la carcasse métallique du pont Long Bien, dominant l’île aux bananes il ajoute « qui peut se vanter d’avoir une aussi belle vue sur l’un des emblèmes historiques de Hanoi ? ». Avant que l’on ne le quitte, monsieur Nguyen Hoang Long nous certifie que ces fruits et légumes sont parmi les meilleurs de Hanoi, « Que du bio ! Enrichies des alluvions du fleuve Rouge nous n’avons besoins d’aucun engrais pour faire pousser fruits et légumes ». Il faut bien reconnaître que le pomelo qu’il nous a fait goûter avait un goût incomparable.
En 2011, un architecte français d’origine vietnamienne, Nguyên Nga, avait pour projet de créer sur l’île un parc de loisirs et d’installations artistiques. Espérons que ce projet ne voit pas le jour pour laisser ce coin de nature encore préservé et aux mains vertes des paysans.
La face cachée de l’île aux Bananes
Sous ses airs bucoliques l’île aux bananes n’est pas réservée qu’aux maraîchers et aux promeneurs. Elle est également un petit coin de paradis pour les nudistes ! Cela peut paraître surprenant pour un pays aux mœurs très réservées et à la pudeur des Vietnamiens, mais oui, quelques nudistes aiment se retrouver sur une plage saisonnière durant les basses eaux du fleuve Rouge pendant la saison sèche.
Fuyant la chaleur étouffante de la ville en été, ils sont nombreux à venir se rafraîchir dans le fleuve Rouge et dans le plus simple appareil. « Toutes les classes sociales viennent se baigner nu sans aucune gêne » nous assure madame Lam, une fringante sexagénaire. « Beaucoup d’entre nous viennent de la campagne où enfants nous avions l’habitude de nous baigner nu dans les ruisseaux et les étangs. Même l’homme d’affaires issu de la campagne qui a réussi préfèrera la joie simple d’un bon bain dans le fleuve qui lui rappellera son enfance que l’eau chlorée d’une piscine » nous certifie monsieur Dang un habitué des lieux depuis 38 ans. C’est vrai que pendant les grosses chaleurs qui assomment la capitale du Vietnam, la baignade dans le fleuve Rouge est bien tentante surtout que l’ambiance est des plus conviviales.
Enfin, petit conseil : l’île est parfois jonchée de déchets, si vous vous promenez, équipez-vous d’un sac pour en ramasser quelques uns. Cela évitera à certains déchets de terminer leur course dans le fleuve, puis dans l’océan.
Meilleure saison : de fin septembre à fin novembre l’île aux bananes a profité des généreuses pluies de la mousson d’été et se pare alors d’un vert éclatant.