La statue de la Liberté de Hanoï

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C’est une statue mondialement connue, depuis son installation en 1886 à New-York. À partir de cette date, de nombreuses répliques ont été produites, dont une de Bartholdi, pour un ingénieur civil qui l’a lèguera à la ville de Hanoï. Découvrez l’histoire méconnue de cette Lady Liberty hanoienne.

Comment une réplique s’est-elle retrouvée à Hanoï ?

C’est en 1887 qu’une statue de « la liberté éclairant le monde » fut érigée à Hanoï par les autorités coloniales françaises, suite à un don d’un certain M. Gaget, ingénieur civil. Cette demande de lègue, provient probablement de M.Bartholdi lui-même ! On a retrouvé cette lettre à l’encre noir qui témoigne de ce don remarquable, du fin fond des archives. Celle-ci est signée du secrétaire général d’Annam et Tonkin, cabinet du Résident général – République française et adressée à Monsieur Gaget :

“[…] Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères m’a transmis votre lettre du 25 juillet dernier.

J’ai l’honneur de vous informer que j’accepte, au nom du Gouvernement du Protectorat, le don que vous vous proposez de lui faire de votre statue de “la liberté éclairant le monde”. Selon votre désir, cette statue ornera une des places publiques de la ville de Hanoï.

Je vous adresse, Monsieur, mes remerciements pour ce don gracieux et tout patriotique […]”.

Lettre à l’encre noir sur le “oui” des autorités coloniales du don de la statue de la Liberté de M. Gaget.

L’histoire de la statue de la liberté de Hanoï

Dès la fin du 19ème siècle, la statue fut installée sur un socle dans l’actuel square Ly Thai To, sur les rives du petit lac de l’époque (Hồ Hoàn Kiếm). Elle fut rapidement déplacée en 1890 pour permettre l’installation de la statue de Paul Bert, mort à Hanoï en 1886 du choléra, après seulement quelques mois en tant que « Résident général d’Annam-Tonkin » (ancienne appellation de gouverneur général de l’Indochine française).

La Liberté fut alors placée pas loin de son 1er emplacement, au sommet du monument iconique de Hanoï, la tour de la tortue, qui trône au milieu du lac de l’épée restituée. Un affront à l’époque pour les locaux, car ce monument est dédié à la tortue du lac, animal sacré et légendaire pour les Vietnamiens.
Les anticolonialistes au Vietnam et en France, évoquait la présence ironique de cette statue de la « liberté », dans un pays dont on avait arraché sa liberté. On la surnomma du nom d’une certaine « Madame Saux », pour effacer cette appellation polémique.

Mais cela n’a pas suffit… on a du la déplacer une dernière fois à l’ancien square Neyret, aujourd’hui la petite placette qui jouxte la rue Cửa Nam (rue de la porte du Sud). On raconte que les locaux, ne comprenant pas forcément le message explicitement véhiculé par la statue, l’ont appelée Bà Đầm Xòe (la dame étalant sa jupe).

L’ancien socle de la statue de la Liberté, désormais surmonté par la statue de Paul Bert. Au second plan, la tour de la Tortue surmontée de sa nouvelle statue de la liberté et la cathédrale Saint-Joseph de Hanoï.

La tour de la tortue surmontée de la statue de la Liberté. Un nouvel emplacement fortement décrié à l’époque.

3ème et dernier emplacement de la statue de la liberté, sur l’ancien square Neyret devenu la placette Cửa Nam.

La fin de la statue (et des autres)

Le 1er août 1945, les français perdent le contrôle de l’Indochine française suite à l’éphémère occupation japonaise. Le nouveau maire anticolonialiste de Hanoï, un certain Trân Van Lai, décide de déboulonner l’ensemble statuaire de la capitale, y compris celle de la Liberté, pour les faire fondre à l’ancien village des fondeurs de Ngũ Xã, situé sur l’île du lac Trúc Bạch (la soie blanche).

C’est dans la pagode de ce quartier paisible, que vous trouverez la pagode qui abrite aujourd’hui des statues de Bouddha, comportant de la fonte de ces anciennes statues disparues; et donc sûrement des morceaux fondues de la Lady Liberty hanoienne…

C’est sur l’île de Ngũ Xã, sur le lac Trúc Bạch, que les anciens fondeurs ont fait fondre l’ensemble statuaire datant de l’époque coloniale.

Alexandre Dang: Je m'appelle Alexandre, je suis originaire de Lyon, mais Hanoï est devenue ma seconde maison. La vie frénétique, l'histoire et les contrastes de cette grande dame me passionnent. Au gré de mes pérégrinations urbaines, j'essaie de vous transmettre via une écriture modeste, l'âme de Hanoï. Profitez de ce blog entièrement francophone et intégralement dédié à l'une des capitales les plus envoûtantes d'Asie.

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